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demande de publier mon article que si ton esprit ou ton cœur ne te dicte quelque autre moyen de donner une complète satisfaction à Mouravieff. De même que dans une affaire d’honneur, de même dans toute autre affaire, telle ou telle conduite dirigée dans un sens ou dans l’autre, amène des suites souvent fâcheuses pour les deux intéressés, conséquences auxquelles, ni l’un, ni l’autre, n’ont le droit de se soustraire. Puisque tu as livré à la publicité tes attaques contre Mouravieff, tu lui dois une réparation ; publie donc cette réponse à ton article, ou alors, fais à haute voix l’aveu, que ta bonne foi a été surprise. Voilà ce que j’attends de ton sentiment de justice et de ton dévouement à notre cause. Herzen, songe que si tu es notre juge, nous avons, nous, le droit d’être les tiens, qu’entre toi et nous il existe la solidarité de la responsabilité réciproque que, pas plus que nous, tu n’as le droit de rompre…

Assez sur ce sujet privé ; abordons la question générale de la situation de la Cloche. On entend dire de tous côtés qu’elle a beaucoup perdu de son influence. Les fausses nouvelles ont, sans doute, amené cette défaillance ; et, alors, deux ou trois bévues telles que celle que vous venez de faire à l’égard de Mouravieff et de la Sibérie orientale suffiraient pour anéantir votre journal. Vous devez observer une plus grande circonspection dans le choix de vos correspondants. On affirme que la Russie dégèle ; mais il ne faut pas oublier qu’en dessous de la glace se trouvent toujours accumulées des quantités de fumier qui exhale une odeur nauséabonde. Cette vie essentiellement russe, ces mesquines intrigues et ces passions russes, cette ambiance ordurière et puante de notre pays, — dépôt de vils intérêts et d’une mesquine vanité, — l’insipidité, la