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    partout d’une façon si puissante et si excentrique — au milieu de la jeunesse de Moscou, comme devant l’auditoire de l’université de Berlin ; parmi les communistes de Weitling, comme chez les « montagnards » de Caussidière ; dans ses discours à Prague ; durant son commandement en chef, pendant l’insurrection à Dresde ; dans son procès, ses prisons ; devant l’arrêt de mort et toutes ses tortures, en Autriche ; enfin devant l’extradition en Russie, où il disparut pour de longues années derrière les terribles murailles du ravelin d’Alexis, tout cela fait placer Bakounine au rang des hommes qui ne peuvent rester inaperçus de leurs contemporains, ni être oubliés par l’histoire.
    « Bakounine a aussi beaucoup de défauts ; mais ces défauts sont minuscules, tandis que ses qualités sont remarquables. Sa faculté de saisir, dans les milieux différents où le sort le jetait, quelques traits caractéristiques de chacun de ces milieux, lui permettant d’en distinguer l’élément révolutionnaire, de l’en séparer, pour le pousser en avant, en lui communiquant sa propre vitalité et sa passion, n’est-ce pas là une qualité supérieure ?
    « Au fond de la nature de cet homme se trouve le germe d’une activité colossale, pour laquelle il n’y eut pas d’emploi. Bakounine porte en lui la possibilité de se faire agitateur, tribun, apôtre, chef de parti ou de secte, prêtre hérésiarque, lutteur. Placez-le dans le camp qu’il vous plaira, — parmi les anabaptistes ou les jacobins, à côté d’Anacharsis Cloots ou dans l’intimité de Babœuf, mais toujours à l’extrême gauche, — et il entraînera les masses et agira sur les destinées des peuples. » (Trad.).