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Me voilà libre, enfin, après huit ans d’emprisonnement dans différentes forteresses et quatre ans d’exil en Sibérie. L’âge m’est venu, ma santé s’est délabrée, j’ai perdu cette élasticité des membres qui donne à l’heureuse jeunesse une force invincible. Mais j’ai gardé le courage de la fière pensée et mon cœur, ma volonté, mon âme sont restées fidèles à mes amis et à la grande cause de l’humanité. Plus tard je raconterai dans de courts mémoires ma vie passée, la part que j’ai prise aux événements de 1848 et 1849, mon arrestation, mon emprisonnement, mon exil et enfin ma libération. Maintenant je viens à vous, mes vieux et fidèles frères, et vous mes jeunes amis, qui partagez avec nous nos croyances et nos aspirations, en vous priant : recevez-moi de nouveau parmi vous et permettez-moi de dévouer avec vous le reste de ma vie à combattre pour la liberté des Russes, des Polonais et de toutes les nations slaves.

Ce n’est pas en vain que nous avons vécu pendant les treize dernières années, depuis la catastrophe de 1848 et 1849. Le monde s’est reposé, a regagné la conscience de soi-même, et repris des forces pour rentrer dans la voie de l’avenir. L’Italie, que nous aimons tous, est ressuscitée, l’édifice de la monarchie habsbourg-lorraine est ébranlée — cette lourde pierre qui pèse sur la poitrine des peuples qui reviennent à la vie, — et menace ruine, sous les coups des Italiens, des Madjars et des Slaves. Semblable à l’Autriche, nous voyons, tremblant sur ses fondements et prêt à tomber — son