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Voilà ce qui correspond, suivant mon opinion, à moi, le plus aux désirs énoncés à haute voix ou instinctifs du peuple russe. Les bases sont bien simples, mais suffisantes pour construire là-dessus un monde entier. Le Kolokol en a souvent parlé directement et indirectement, et elles paraissent être prises de la vie populaire même. Il nous reste à les discuter dans toutes leurs phases, les poursuivre dans toutes leurs applications pratiques possibles, expliquer les conditions de leur développement et de leur réalisation, enfin les répandre comme moyens de propagande et pour en faire un objet de critique générale.

En les étudiant, nous nous rapprocherons encore plus du peuple, il faut donc que chacun de nous s’occupe sérieusement de cet objet. Mais que Dieu nous garde de tomber dans une erreur ; ne soyons pas doctrinaires, ne composons pas d’avance des constitutions en nous posant comme législateurs du peuple. Rappelons-nous que notre mission est tout autre, nous ne sommes pas les précepteurs, mais seulement les précurseurs du peuple, c’est à nous de lui frayer une route, et que notre destination n’est pas tant théorique que pratique.

En troisième lieu, nous devons tendre une main fraternelle à tous les Slaves, mais avant tout, et à tout prix à nos frères les Polonais, si souvent lésés par nous, — la paix avec eux nous est de la même nécessité que notre ralliement au peuple. Les Polonais sont nos plus proches voisins. L’histoire nous a liés par des liens si forts, que les destinées des deux peuples sont devenus inséparables ; leurs douleurs sont les nôtres, nous partageons leur esclavage ; une fois qu’il seront libres et indépendants, nous le serons aussi. Tant que nous imposons notre joug à la Pologne, il nous faut entretenir une immense armée, ruineuse pour le peuple, et qui, ayant appris en Pologne à massacrer sans pitié, devient une excellente arme pour l’oppression intestine. Tant que nous possédons la Pologne, nous restons les esclaves des Allemands, nous devons être malgré nous les alliés de la Prusse et de l’Autriche avec qui nous l’avons partagée illégalement. Les efforts réunis des trois gouvernements allemands, ceux de Berlin, Vienne et Pétersbourg