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VII

L’agitation du Parti de la démocratie socialiste en Autriche
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Le mouvement des travailleurs en Autriche prend des proportions remarquables. Le lecteur peut en juger par les faits que nous avons déjà cités en partie et que nous continuerons à citer à mesure qu’ils se produiront. Nous avons publié dans nos précédents numéros un compte-rendu assez détaillé de l’assemblée populaire qui a eu lieu à Vienne le 4 mai[1] et

  1. Cette assemblée avait été convoquée pour s’occuper de deux questions, le droit de coalition et la question des nationalités. Sur le premier point, après avoir entendu des orateurs qui réclamèrent le droit de coalition dans toute son étendue, c’est-à-dire le droit de coalition internationale, et qui dépeignirent de façon saisissante l’exploitation effrénée dont les ouvriers de l’Autriche étaient victimes, l’assemblée adopta une résolution invitant le Reichsrath à voter sans retard le droit de coalition. Quant à la question des nationalités, Oberwinder présenta une résolution disant : « Considérant que la lutte des nationalités en Autriche entrave le développement du Parti de la démocratie socialiste, l’assemblée déclare qu’il est du devoir des travailleurs de tourner le dos aux agitations des partis soi-disant nationaux ; qu’il est de leur devoir de secouer partout le joug des classes privilégiées, et de concentrer tous leurs efforts sur la conquête de leurs droits, de la liberté et de l’égalité, sous le double rapport politique et économique ». Fischer parla en ces termes : « Ouvriers de tous les pays, nous devons nous réunir sous le même drapeau. Mais aussi longtemps que les uns crieront : Je suis un Allemand ! les autres : Je suis un Tchèque, un Italien, un Hongrois ! nos oppresseurs continueront à nous exploiter, et nous serons de misérables esclaves. Le fabricant paie-t-il davantage à un Allemand, à un Hongrois, à un Italien, à un Tchèque ? Toutes les nationalités ne sont-elles pas égales devant l’insuffisance des salaires ? » Un orateur bourgeois, le Dr Hœslinger, prit la défense du privilège, des nationalités, et exhorta les ouvriers à ne pas se constituer en parti séparatiste et exclusif, et à se joindre au parti de la démocratie bourgeoise. Neumayer répondit : « Ce n’est pas à nous qu’on pourra reprocher d’être exclusifs et étroits : notre programme ne réunit-il pas sous le même drapeau les ouvriers du monde entier ? Quant aux démocrates bourgeois, voici ce que nous leur avons déjà dit et ce que nous leur répétons aujourd’hui : Si vous voulez venir à nous, vous êtes les bienvenus ; mais commencez d’abord par accepter nos principes, tous nos principes, et n’espérez pas que nous puissions y renoncer ou que nous consentions jamais à voiler notre drapeau pour être accueillis par vous. Je finis en vous répétant cette parole de Lassalle : Malheur à la démocratie socialiste si elle fait jamais des concessions de principes. » Most insista sur l’internationalité du mouvement ouvrier : « Le mouvement des ouvriers, dit-il, se manifeste-t-il seulement en Autriche, et n’est-il pas le même partout en Europe ? Les travailleurs de tous les pays ne sont-ils pas poussés aujourd’hui, par les mêmes raisons que nous, à se révolter contre le joug de leurs exploiteurs. Nous avons tous le même intérêt, le même but, nous ne pouvons avoir qu’une patrie. Les gouvernements et les privilégiés de tous les pays excitent les peuples les uns contre les autres pour les asservir les uns par les autres. Toute notre force est dans notre union ; quiconque vient donc nous diviser par des questions nationales doit être considéré par nous comme un ennemi. » La résolution présentée par Oberwinder fut votée à l’unanimité.