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siècles, la vie populaire, mais qui, à ce qu’il paraît, n’est point parvenu à la tuer. Ils veulent une révolution sociale, telle que l’imagination de l’Occident, modérée par la civilisation, ose à peine se la représenter.

Et ces fous sont-ils en petit nombre ? Non, ils sont une légion, ils forment une phalange de plusieurs dizaines de milliers : jeunes gens déclassés, peu de nobles, beaucoup de fils de petits employés et de fils de prêtres, et des jeunes gens sortis du peuple tant des campagnes que des villes. Mais sont-ils isolés du peuple ? Pas du tout ; au contraire, ce mouvement de la jeunesse éclairée et qui, sortant des bas-fonds les plus reculés de la société russe, cherche la lumière avec une énergie et une passion qu’on ne connaît plus chez nous, ce mouvement qui grossit et s’étend, malgré toutes les terribles mesures de répression qui sont familières au gouvernement de ce pays, tend à se confondre chaque jour davantage avec le mouvement d’un peuple réduit au désespoir et à la plus inimaginable misère par la fameuse émancipation et par les autres réformes du tsar libérateur.

Encore un peu de temps, deux ans, un an, quelques mois peut-être, et ces deux mouvements n’en feront qu’un, et alors — alors on verra une révolution qui dépassera, sans doute, tout ce qu’on a connu en fait de révolutions jusqu’ici.

(Égalité du 17 avril 1869.)