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toutes les classes : noblesse, prêtres, marchands, jeunesse des universités, et les paysans surtout, étaient unanimes pour écraser, pour anéantir la Pologne ; que le gouvernement, qui aurait peut-être voulu agir avec plus de modération, s’était vu forcé de devenir le bourreau de cette nation malheureuse, et qu’il l’avait noyée dans son sang rien que pour obéir à cette volonté unanime et à cette immense passion populaire ?

À très peu d’exceptions près, tout le monde l’avait cru en Europe, et cette croyance générale avait beaucoup contribué, sinon à comprimer l’indignation du public européen, du moins à en paralyser les effets. La lâcheté et les divisions de la diplomatie européenne aidant, on s’est arrêté devant cette soi-disant manifestation imposante de tout un peuple puissant. On n’a pas osé l’affronter ni le provoquer à la lutte, et on a laissé tranquillement s’accomplir, sans autre résistance que des protestations ridicules, un nouveau grand crime en Pologne.

Puis sont venus les sophistes russes et non russes, les uns stipendiés, les autres bêtement aveuglés, — Proudhon, le grand Proudhon, s’était mis malheureusement dans leurs rangs ; — ils sont venus nous expliquer comme quoi les révolutionnaires polonais étaient des catholiques et des aristocrates, des représentants d’un monde condamné à périr ; tandis que le gouvernement russe, avec tous ses bourreaux, représentait, lui, contre eux, la cause de la démocratie, la cause des paysans opprimés