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Il faut avouer qu’on a eu jusqu’ici des idées parfaitement erronées sur le caractère et sur les tendances, aussi bien que sur la situation économique, des peuples qui habitent ces vastes contrées. Ainsi, n’était-ce pas, n’est-ce pas encore une opinion assez générale en Europe que le tsar actuel 1, bienfaiteur et libérateur de ces peuples, était l’objet de toutes les adorations populaires ? qu’il a réellement émancipé les paysans russes et établi sur des bases solides le bien-être de ces communautés rurales qui constituent toute la force et toute la richesse de l’Empire de toutes les Russies ? N’a-t-on pas cru et dit que, puissant de tout le bonheur qu’il a créé et de toute la reconnaissance qu’il a méritée, il n’avait qu’un signe à faire pour lancer ces millions de barbares fanatiques contre l’Europe.

On l’a dit et on l’a répété sur mille tons différents : les uns sans se douter, les autres sachant fort bien, qu’ils rendaient par là même un immense service à la puissance tant détestée des tsars, puissance fondée beaucoup plus sur l’imagination, sur cette terreur panique qu’elle répand si habilement autour d’elle, et sur le parti que ses diplomates savent en tirer, que sur des faits réels.

Ainsi n’avait-on pas cru, en 1861, sur la foi des dépêches du prince Gortchakof et de la presse russe et non russe stipendiée par le gouvernement de Saint-Pétersbourg, que tout le peuple russe, de