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pour nous attaquer, car mardi dernier 30 mars, ils ont osé porter la main sur quelques-uns de nos compagnons, qui à toutes leurs insultes avaient répondu par des vérités assez désagréables, sans doute, pour des oreilles aussi délicates que les leurs, mais qui ne les avaient pas même touchés du doigt. Ils se sont permis de les arrêter et de les maltraiter pendant quelques heures, jusqu’à ce qu’une commission envoyée par l’Association internationale à l’hôtel de ville soit allée les réclamer[1].

  1. Cette phrase est rédigée de telle façon qu’il semble que les grévistes mis en prison auraient été arrêtés par les membres mêmes de la « jeunesse dorée » ; en réalité, l’arrestation avait été opérée par la police, mais sur la désignation des jeunes gens à revolvers. À la seconde page de ce même numéro, l’Égalité raconte en ces termes cet épisode de la grève :
    « Que la bourgeoisie désire une collision pour appeler les baïonnettes fédérales, cela se conçoit, et c’est ce que prouvent les provocations de la jeunesse dorée qui se promène avec des revolvers dans ses poches et qui dirige les agents de la force publique… Mardi dernier, lorsque les ouvriers embauchés par les patrons [ouvriers arrivés le lundi à Genève, ignorant qu’une grève était déclarée dans leur corps de métier] sortirent des chantiers à la fin de la journée, ils trouvèrent dans la rue d’autres ouvriers qui les attendaient pour leur exposer la situation et les engager à ne pas nuire à la cause commune en travaillant pour les trois chantiers en grève. Ce qu’ils ont bien vite compris, car aucun d’eux n’est retourné au travail accepté par eux, nous dirent-ils, dans l’ignorance de ce qui se passait.
    « Mais la bourgeoisie, cherchant querelle, vint s’interposer entre les ouvriers au nom de la liberté, interdisant aux uns de parler aux autres. Voyant les ouvriers sortant des chantiers écouter ceux qui étaient venus pour leur parler, et décidés à amener une collision, ces bourgeois en vinrent à bousculer les groupes ouvriers et même à les frapper. Cela produisit un certain mouvement, une certaine confusion, qui servit de prétexte à la police pour intervenir et pour empoigner — les agresseurs, dites-vous ; non, des ouvriers inoffensifs désignés par les agresseurs !
    « Le calme inébranlable des travailleurs que, quoi qu’on fasse, on ne parviendra pas à faire sortir sitôt de la légalité, n’a pas permis à l’événement de prendre une tournure plus grave.
    « Les ouvriers arrêtés ont été conduits au poste de police de l’hôtel de ville, lequel était entouré de toute la gendarmerie.
    « Elle avait été rappelée la veille et le jour même de tous les postes du canton, et on l’avait armée — ce qui ne se voit pour ainsi dire jamais — du fusil et de la baïonnette, et vraisemblablement on lui avait délivré des cartouches. On mit donc nos amis en prison ; les agents les menacèrent et leur firent éprouver de mauvais traitements, après quoi ils eurent à subir un interrogatoire.
    « Quelques heures après, ils furent relâchés sous caution et rendus à une députation de l’Internationale envoyée pour réclamer les prisonniers. »