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IV

La double grève de Genève[1]



Les bourgeois nous provoquent. Ils s’efforcent de nous pousser à bout par tous les moyens, pensant, non sans beaucoup de raison, qu’il serait très

  1. Au milieu de mars avait éclaté à Genève une grève des tailleurs de pierres et maçons, venant de ce que certains patrons refusaient d’observer, pour la journée dite d’été (à partir du 1er mars), les conditions du tarif consenti par eux à la suite de la grève de 1867 ; tous les ouvriers du bâtiment avaient pris fait et cause pour les grévistes. Le 20 mars, les typographes de Genève s’étaient mis en grève à leur tour, à cause du refus lait par les patrons d’accepter un nouveau tarif qui augmentait de 50 centimes le salaire de la journée de travail. La bourgeoisie genevoise prit dans cette circonstance une attitude nettement provocatrice. La « jeunesse dorée » s’arma, rechercha des collisions avec les ouvriers, et fit arrêter des grévistes ; une grande assemblée bourgeoise (31 mars) adressa un appel au gouvernement, en l’invitant à faire respecter la « liberté du travail », et en dénonçant l’internationale, qui « ruine le canton de Genève par des décrets envoyés de Londres et de Paris ». Bakounine, jugeant qu’une bataille dans la rue, désirée par la bourgeoisie, aurait des conséquences funestes pour l’organisation ouvrière, écrivit, en collaboration avec Perron, l’article qu’on va lire. Quelques jours plus tard, dans une lettre, il me parlait de cet article en ces termes : « Je joue ici le rôle de réactionnaire. Les typographes, qui ont fort mal combiné et conduit leurs affaires, se voyant dans une impasse, auraient voulu entraîner l’Internationale à des manifestations dans la rue qui, si elles n’aboutissaient pas à la menace d’abord, et plus tard à la violence, ne produiraient rien, et, si elles avaient une issue dramatique, finiraient par une défaite de l’Internationale. As-tu lu dans l’avant-dernier numéro notre article Les deux grèves ? Qu’en dis-tu ? » (Lettre du 13 avril 1869.) Au moment où Bakounine m’écrivait ces lignes, la grève du bâtiment s’était déjà terminée (10 avril) par la capitulation des patrons, mais la grève des typographes continuait, sans aucune perspective de réussite.