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de constitutionnalisme, militairement et bureau- |11 cratiquement organisée et servie exclusivement par des nobles.

C’est en France, en Angleterre, en Belgique surtout, qu’il faut étudier le règne de la bourgeoisie. Depuis l’unification de l’Italie sous le sceptre de Victor-Emmanuel, on peut l’étudier aussi en Italie. Mais nulle part il ne s’est aussi pleinement caractérisé qu’en France ; aussi est-ce dans ce pays que nous le considérerons principalement.

Depuis 1830, le principe bourgeois a eu pleine liberté de s’y manifester dans la littérature, dans la politique, et dans l’économie sociale. On peut le résumer par un seul mot, l'individualisme.

J’entends par individualisme cette tendance qui — considérant toute la société, la masse des individus, comme des indifférents, des rivaux, des concurrents, comme des ennemis naturels, en un mot, avec lesquels chacun est bien forcé de vivre, mais qui obstruent la voie à chacun — pousse l’individu à conquérir et à établir son propre bien-être, sa prospérité, son bonheur malgré tout le monde, au détriment et sur le dos de tous les autres. C’est une course au clocher, un sauve-qui-peut général où chacun cherche à parvenir le premier. Malheur à ceux qui s’arrêtent, ils sont devancés. Malheur à ceux qui, lassés de fatigue, tombent en chemin, ils sont de suite écrasés. La concurrence n’a point de cœur, |12 n’a point de pitié. Malheur aux vaincus ! Dans cette lutte, nécessairement, beaucoup de