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les bourgeois sont si fiers, et qu’ils versent avec tant de parcimonie sur les masses populaires, sont également les produits de la société tout entière. Le travail et, je dirai même plus, la pensée instinctive du peuple les créent, mais ils ne les ont créés jusqu’ici qu’au profit des individus bourgeois. C’est donc encore ne exploitation d’un travail collectif par des individus qui n’ont aucun droit à en monopoliser le produit.

Tout ce qui est humain dans l’homme, et plus que toute autre chose la liberté, est le produit d’un travail social, collectif. Être libre dans l’isolement absolu est une absurdité inventée par les théologiens et les métaphysiciens, qui ont remplacé la société des hommes par celle de leur fantôme, de Dieu. Chacun, disent-ils, se sent libre en présence de Dieu, c’est-à-dire du vide absolu, du néant ; c’est donc la liberté du néant, ou bien le néant de la liberté, l’esclavage. Dieu, la fiction de Dieu, a été historiquement la source morale, ou plutôt immorale, de tous les asservissements.

Quant à nous, qui ne voulons ni fantômes, ni néant, mais la réalité humaine vivante, nous reconnaissons que l’homme ne peut se sentir et se savoir libre — et par conséquent, ne peut réaliser sa liberté — qu’au milieu des hommes. Pour être libre, j’ai besoin de me voir entouré, et reconnu comme tel, par des hommes libres. Je ne suis libre que lorsque ma personnalité, se réfléchissant, comme dans autant de miroirs, dans la conscience égale-