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Ne parlez pas de liberté
La pauvreté, c’est l’esclavage ![1]

Et, en effet, il faut être amoureux d’illusions pour s’imaginer qu’un ouvrier, dans les conditions économiques et sociales dans lesquelles il se trouve présentement, puisse profiter pleinement, faire un usage sérieux et réel, de sa liberté politique. Il lui manque pour cela deux petites choses : le loisir et les moyens matériels.

D’ailleurs, ne l’avons-nous pas vu en France, le lendemain de la révolution de 1848, la révolution la plus radicale qu’on puisse désirer au point de vue politique ?

Les ouvriers français n’étaient certes ni indifférents, ni inintelligents, et, malgré le suffrage universel le plus large, ils ont dû laisser faire les bourgeois. Pourquoi ? parce qu’ils ont manqué des moyens matériels qui sont nécessaires pour que la liberté politique devienne une réalité, parce qu’ils sont restés les esclaves d’un travail forcé par la faim, tandis que les bourgeois radicaux, libéraux et même conservateurs, les uns républicains de la veille, les autres convertis du lendemain, allaient et venaient, s’agitaient, parlaient et conspiraient librement, les uns grâce à leurs rentes ou à leur position bourgeoise lucrative, les autres grâce au budget de l’État qu’on avait naturellement conservé et qu’on avait même rendu plus fort que jamais.

  1. Refrain d’une chanson de Pierre Lachambeaudie