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tique, c’est-à dire absolument le même entretien, la même éducation, la même instruction ; n’y aura-t-il pas, parmi ces milliers de petits individus, des différences infinies d’énergie, de tendances naturelles, d’aptitudes ?

Voilà le grand argument de nos adversaires, bourgeois purs et socialistes bourgeois. Ils le croient irrésistible. Tâchons donc de leur prouver le contraire. D’abord, de quel droit se fondent-ils sur le principe des capacités individuelles ? Y a-t-il place pour le développement de ces capacités dans la société telle qu’elle est ? Peut-il y avoir une place pour leur développement dans une société qui continuera d’avoir pour base économique le droit d’héritage ? Évidemment non, car, du moment qu’il y aura héritage, la carrière des enfants ne sera jamais le résultat de leurs capacités et de leur énergie individuelle : elle sera avant tout celui de l’état de fortune, de la richesse ou de la misère de leurs familles. Les héritiers riches, mais sots, recevront une instruction supérieure ; les enfants les plus intelligents du prolétariat continueront à recevoir en héritage l’ignorance, tout à fait comme cela se pratique maintenant. N’est-ce donc pas une hypocrisie que de parler non seulement dans la présente société, mais même en vue d’une société réformée, qui continuerait toutefois d’avoir pour bases la propriété individuelle et le droit d’héritage ? n’est-ce pas une infâme tromperie que d’y parler de droits individuels fondés sur des capacités individuelles ?