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ont progressé dans la même mesure que ces dernières. Car s’il y a eu égalité dans ces deux progrès respectifs, la distance intellectuelle qui les sépare aujourd’hui du monde privilégié sera la même ; si le prolétariat progresse davantage et plus vite que les privilégiés, cette distance sera devenue nécessairement plus petite ; mais si au contraire le progrès de l’ouvrier est plus lent et par conséquent moindre que celui de l’homme des classes dominantes, dans le même espace de temps, cette distance se sera agrandie : l’abîme qui les séparait sera devenu plus large, l’homme privilégié est devenu plus puissant, l’ouvrier est devenu plus dépendant, plus esclave qu’à l’époque qui a été prise pour point de départ. Si nous quittons tous les deux, à la même heure, deux points différents, vous ayant cent pas d’avance sur moi, et que vous fassiez soixante pas, moi seulement trente par minute, au bout d’une heure la distance qui nous séparera ne sera plus de cent, mais de dix-neuf cents pas.

Cet exemple donne une idée tout à fait juste des progrès respectifs de la bourgeoisie et du prolétariat. Jusqu’ici les bourgeois ont marché plus vite dans la voie de la civilisation que les prolétaires, non que leur intelligence ait été naturellement plus puissante que celle de ces derniers, — aujourd’hui à bon droit on pourrait dire tout le contraire, — mais parce que l’organisation économique et politique de la société a été telle, jusqu’ici, que les bourgeois seuls ont pu s’instruire, que la science n’a existé que