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populaires peuvent seuls le nier ou seulement en douter aujourd’hui. Nous sommes tellement convaincus que l’instruction est la mesure du degré de liberté, de prospérité et d’humanité qu’une classe aussi bien qu’un individu peuvent atteindre, que nous demandons pour le prolétariat non seulement de l’instruction, mais toute l’instruction, l’instruction intégrale et complète, afin qu’il ne puisse plus exister au-dessus de lui, pour le protéger et pour le diriger, c’est-à-dire pour l’exploiter, aucune classe supérieure par la science, aucune aristocratie d’intelligence.

Selon nous, de toutes les aristocraties qui ont opprimé chacune à son tour et quelquefois toutes ensemble la société humaine, cette soi-disant aristocratie de l’intelligence est la plus odieuse, la plus méprisante, la plus impertinente et la plus oppressive. L’aristocrate nobiliaire vous dit : « Vous êtes un fort galant homme, mais vous n’êtes pas né noble ! » C’est une injure qu’on peut encore supporter. L’aristocrate du capital vous reconnaît toutes sortes de mérites, « mais, ajoute-t-il, vous n’avez pas le sou ! » C’est également supportable, car ce n’est au fond rien que la constatation d’un fait, constatation qui, dans la plupart des cas, tourne même, comme dans le premier, à l’avantage de celui auquel ce reproche s’adresse. Mais l’aristocrate d’intelligence nous dit : « Vous ne savez rien, vous ne comprenez rien, vous êtes un âne, et moi, homme intelligent, je dois vous bâter et vous conduire ». Voilà qui est intolérable.