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fèreriez-vous une rémunération plus solide en argent bien sonnant ?

Et d’ailleurs, vous seriez bien embarrassés s’il vous fallait établir le taux des produits intellectuels du génie. Ce sont, comme Proudhon l’a fort bien observé, des valeurs incommensurables : elles ne coûtent rien, ou bien elles coûtent des millions. Mais ne comprenez-vous pas qu’avec ce système il vous faudra vous empresser d’abolir au plus tôt le droit d’héritage ? car, sans cela, on verrait les enfants des hommes de génie ou de grand talent hériter de fortunes plus ou moins considérables ; ajoutez que ces enfants — soit par l’effet d’une loi naturelle encore inconnue, soit par l’effet de la position privilégiée que leur ont faite les travaux de leurs pères — sont ordinairement des esprits fort ordinaires, et souvent même des hommes très bêtes. Que deviendrait alors cette justice distributive dont vous aimez tant à parler, et au nom de laquelle vous nous combattez ? Comment se réaliserait cette égalité que vous nous promettez ?

Il nous paraît résulter évidemment de tout cela que les travaux isolés de l’intelligence individuelle, tous les travaux de l’esprit, en tant qu’invention, non en tant qu’application, doivent être des travaux gratuits. — Mais, alors, de quoi vivront les hommes de talent, les hommes de génie ? — Eh, mon Dieu ! ils vivront de leur travail manuel et collectif comme les autres.

— Comment ! vous voulez astreindre les grandes