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encore vouloir raisonnablement aujourd’hui, comme classe séparée ? N’a-t-elle pas tout : richesse, science et domination exclusive ? Elle n’aime pas trop la dictature militaire, qui la protège un peu brutalement, il est vrai ; mais elle en comprend bien la nécessité et elle s’y résigne par sagesse, sachant fort bien qu’au moment même où cette dictature sera brisée, elle perdra tout et cessera d’exister. Et vous lui demandez, citoyens de la Ligue, qu’elle vous donne son argent et qu’elle vienne se joindre à vous pour détruire cette dictature salutaire ? Pas si bête ! Douée d’un esprit plus pratique que le vôtre, elle comprend ses intérêts mieux que vous.

Vous vous efforcez de la convaincre en lui montrant l’abîme vers lequel elle se laisse fatalement entraîner en suivant cette voie de conservation égoïste et brutale. Et croyez-vous qu’elle ne le voie pas, cet abîme ? Elle sent aussi bien que vous l’approche de la catastrophe qui doit l’engloutir. Mais elle fait un calcul, que voici : « Si nous maintenons ce qui est, nous pouvons espérer de traîner notre existence actuelle encore des années, de mourir avant l’avènement de la catastrophe peut-être, — et après nous le déluge ! Tandis que si nous nous laissons entraîner dans la voie du radicalisme et renversons les pouvoirs actuellement établis, nous périrons demain. Mieux vaut donc conserver ce qui est. »

Les conservateurs bourgeois comprennent mieux la situation actuelle que les bourgeois radicaux. Ne