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jusqu’à faire pleurer d’enthousiasme et d’attendrissement le petit Théodore Beck, de Berne ; comment ! tout cela n’a pas pu attendrir, amollir les cœurs secs des bourgeois de l’Europe, et leur faire délier les cordons de leurs bourses — tout cela n’a pas produit un sou !

La bourgeoisie aurait-elle déjà fait banqueroute ? Pas encore. Ou bien aurait-elle perdu le goût de la liberté et de la paix ? Pas du tout. La liberté, elle continue de l’aimer toujours, bien entendu à la condition que cette liberté n’existe que pour elle seule, c’est-à-dire à la condition qu’elle conserve toujours la liberté d’exploiter l’esclavage de fait des masses populaires, qui n’ayant, dans les constitutions actuelles, de la liberté que le droit, non les moyens, restent forcément asservies au joug des bourgeois. Quant à la paix, jamais la bourgeoisie n’en a ressenti autant le besoin qu’aujourd’hui. La paix armée qui écrase le monde européen à cette heure l’inquiète, la paralyse et la ruine.

Comment se fait-il donc que la bourgeoisie, qui n’a pas encore fait banqueroute, d’un côté, et qui, de l’autre, continue à aimer la liberté et la paix, ne veuille pas sacrifier un sou à l’entretien de la Ligue de la paix et de la liberté ?

C’est qu’elle n’a pas foi dans cette Ligue. Et pourquoi n’y a-t-elle pas foi ? C’est parce qu’elle n’a plus aucune foi en elle-même. Croire, c’est vouloir avec passion, et elle a irrévocablement perdu la puissance de vouloir. En effet, que pourrait-elle