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eut encore un art qui prospéra beaucoup en Allemagne. C’est l’art militaire. C’est en Allemagne que naquit la manie, la passion de jouer au soldat. La vraie patrie de cette noble passion, c’est la Prusse. On sait que chez le père du grand Frédéric, elle était devenue une véritable folie ; il ne rêvait qu’uniformes ; avare, il dépensait beaucoup d’argent pour acheter de beaux soldats, et, quand il ne pouvait pas les acheter, il les volait et les enrégimentait par violence. Les princes de l’Allemagne qui voulaient lui faire leur cour lui livraient leurs plus beaux sujets. Il ne faut pas s’en étonner, puisque à la veille même de la Révolution française, alors que toute l’Europe, déjà inondée de la lumière de la libre pensée, frémissait dans l’attente des grands événements qui devaient la bouleverser tout entière, alors que des despotes eux-mêmes, tels que Catherine II, Frédéric II, Joseph II, et bien d’autres encore, |68 entraînés par le vertige d’un libéralisme universel, croyaient devoir flatter cet esprit nouveau qui avait envahi tout le monde, deux souverains allemands, le duc de Brunswick et le comte de Hanau, vendaient tranquillement une vingtaine de milliers de soldats allemands au roi d’Angleterre, sans même se donner la peine de conclure avec lui un traité d’alliance effective contre l’Amérique insurgée, contre laquelle ces soldats furent employés, mais en se faisant payer simplement avec de l’argent comptant. Ce fut une vente d’hommes, de soldats et de sujets allemands dans toutes les règles. Ce fait