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des villes, furent défaits par les nobles et massacrés et torturés par dizaines de milliers, après quoi toute l’Allemagne rentra dans le calme. Elle y resta plongée pendant plus de trois siècles, comme l’Italie, avec cette différence que l’Italie avait été étouffée par l’alliance de l’empereur et du pape, tandis que l’Allemagne avait succombé volontairement sous le poids de sa propre « révolution ».

|60 Ce fut précisément alors que commença à se développer dans toute son étrange splendeur en Allemagne la puissance croissante et soi-disant progressiste et révolutionnaire de l’État militaire, bureaucratique et tranquillement despotique. Les princes souverains remplacèrent le pape et se déclarèrent les chefs de leurs Églises nationales, à la grande satisfaction d’un clergé dont le servilisme abject dépassa tout ce qu’on avait vu de pareil même en Allemagne jusque-là. Ils devinrent en quelque sorte les Dieux de leurs États, des Dieux très grossiers, ignorants comme il convient à des princes, stupidement infatués de leur volonté souveraine et excessivement dépravés ; au-dessous d’eux une noblesse platement courtisane, ployée à tous les services, chercheuse de fortune, de grâces et de maîtres, et ne demandant pas mieux que de vendre ses femmes et ses filles au premier petit sultan venu. Les paysans, écrasés, décimés et abrutis triplement et par la défaite, et par la misère, et par les enseignements de leurs pasteurs protestants, prédicateurs de l’esclavage chrétien, ne bougèrent plus, sinon pour