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province jadis tout à fait et aujourd’hui encore en très grande partie polonaise. Il est bon de se rappeler cette origine, qui pèse et qui pèsera toujours comme une fatalité sur la puissance prussienne, et sur la puissance allemande aussi, en tant que la puissance allemande sera prussienne.

Mais cette puissance nouvelle, créée définitivement par Frédéric II, n’était encore pour ainsi dire qu’une puissance tout extérieure, tout artificielle, mécanique, ou seulement politique. L’âme, la sanction nationale lui manquait. En majeure partie slave 58| dans les campagnes, elle n’était allemande que dans les villes, dans la classe bourgeoise, dans la noblesse, dans sa bureaucratie, dans ses professeurs, et dans son clergé protestant, enfin à la cour, jusqu’au moment où Frédéric II eut transformé cette dernière en une espèce de cour française, singeant à la manière des Allemands, c’est-à-dire avec une grâce un peu lourde, l’esprit, les modes et les manières élégantes des Français.

Pour se faire une idée juste de ce qu’était la nationalité allemande, représentée par les classes que je viens d’énumérer, non seulement en Prusse, mais dans toute l’Allemagne, on ne saurait mieux faire que de lire l’Histoire du dix-huitième siècle écrite par le grand historien allemand Schlosser. On ne peut s’imaginer rien de plus abject, de plus stupide, de plus vil. C’étaient la pauvreté, la sécheresse, la lourdeur pédantesque d’un esprit privé de mouvement et de vie, unies à une lâcheté de cœur sans limites.