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rative de tout animal se mesure à l’intensité de l’instinct de révolte qu’il porte en lui. Dans le monde des brutes, comme dans le monde humain, il n’est point de faculté ou d’habitude plus dégradante, plus stupide et plus lâche que celle d’obéir et de se résigner. Eh bien, je prétends qu’il n’y a jamais eu de peuple si dégradé, sur la terre, qui ne se soit point révolté, au moins dans les commencements de son histoire, contre le joug de ses conquérants, de ses asservisseurs, de ses exploiteurs, contre le joug de l’État.

Mais il faut reconnaître qu’après les luttes sanglantes du moyen âge, le joug de l’État a prévalu contre toutes les révoltes populaires, et qu’à l’exception de la Hollande et de la Suisse, il s’est assis triomphant dans tous les pays du continent de l’Europe. Il y a créé une civilisation nouvelle : celle de l’asservissement forcé des masses, et de la servitude intéressée et par conséquent plus ou moins volontaire des classes privilégiées. Ce que l’on a appelé révolution jusqu’ici, — même y compris la grande Révolution française, malgré la magnificence des programmes au nom desquels elle s’était accomplie, — n’a rien été en effet que la lutte de ces classes entre elles pour la jouissance exclusive des privilèges garantis par l’État, la lutte pour la domination et pour l’exploitation des masses.

Mais les masses ? Hélas ! il faut le reconnaître, elles se sont laissé profondément démoraliser, énerver, pour ne point dire châtrer, par l’action délétère