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On peut dire qu’il n’existe pas aujourd’hui dans le monde d’autres peuples vraiment politiques que ces deux peuples. Pour eux, la politique est un fait, une réalité bien connue et depuis longtemps exercée ; pour tous les autres, sans en excepter même le peuple de France, c’est un idéal ; pour les Allemands, c’est une doctrine. Le peuple français a eu bien aussi ses moments politiques, mais ils ne furent que des moments, et pour cette raison même ils constituèrent autant de révolutions qui durèrent rarement des mois, et le plus souvent quelques jours seulement. |37 Ces jours furent des jours de liberté et de fête, pendant lesquels les masses, enivrées de leur victoire, croyaient avoir conquis le droit de respirer à pleine poitrine ; après quoi, de leur propre consentement, et en s’aidant de leur propre suffrage, on les remettait de nouveau sous ces machines pneumatiques qu’on appelle les gouvernements, monarchiques ou républicains ; le nom n’y faisait rien, car nul n’ignore que les uns comme les autres, en France, comme dans tous les autres pays du continent de l’Europe, n’ont jamais signifié autre chose que la pleine compression de la liberté populaire sous le joug d’une bureaucratie à la fois religieuse, policière, fiscale, militaire et civile.

Si l’on considère ces énormes différences de tempérament, de développement historique, de mœurs et d’habitudes sociales, on arrive à cette conclusion que seuls le peuple américain et le peuple anglais ont la conscience politique, et que tous les peu-