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logique de tout son système. L’état politique de chaque pays, dit-il, est toujours le produit et l’expression fidèle de sa situation économique ; pour changer le premier, il faut seulement transformer cette dernière. Tout le secret des évolutions historiques, selon M. Marx, est là. Il ne tient aucun compte |29 des autres éléments de l’histoire, tels que la réaction, pourtant évidente, des institutions politiques, juridiques et religieuses sur la situation économique. Il dit : « La misère produit l’esclavage politique, l’État » ; mais il ne permet pas de retourner cette phrase et de dire : « L’esclavage politique, l’État, reproduit à son tour et maintient la misère, comme une condition de son existence ; de sorte que, pour détruire la misère, il faut détruire l’État ». Et, chose étrange, lui qui interdit à ses adversaires de s’en prendre à l’esclavage politique, à l’État, comme à une cause actuelle[1] de la misère, il commande à ses amis et à ses disciples du Parti de la démocratie socialiste en Allemagne de considérer la conquête du pouvoir et des libertés politiques comme la condition préalable, absolument nécessaire, de l’émancipation économique.

M. Marx méconnaît également tout à fait un élément fort important dans le développement historique de l’humanité : c’est le tempérament et le carac-

  1. « Actuel » n’est pas pris dans le sens que lui donne la langue vulgaire, qui en fait le synonyme de « présent », mais dans le sens où il est employé en philosophie : une cause « actuelle » est une cause « agissante ». — J. G.