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fiction ? Il sera évidemment impossible que quelques centaines ou même quelques dizaines de mille, que dis-je, quelques milliers d’hommes seulement, puissent effectivement exercer ce pouvoir. Ils devront nécessairement l’exercer par procuration, c’est-à-dire le confier à un groupe d’hommes élus par eux-mêmes pour les représenter et pour les gouverner, ce qui les fera retomber sans faute dans tous les mensonges et dans toutes les servitudes du régime représentatif ou bourgeois. Après un court moment de liberté ou d’orgie révolutionnaire, citoyens d’un État nouveau, ils se réveilleront esclaves, jouets et victimes de nouveaux ambitieux.

On peut concevoir comment et pourquoi des politiciens habiles s’attachent avec une grande passion à un programme qui ouvre à leur ambition un horizon si large ; mais que des ouvriers sérieux, qui portent dans leur cœur comme une flamme vivante le sentiment de solidarité avec leurs compagnons d’esclavage et de misère dans le monde entier, et qui veulent s’émanciper non au détriment de tous, mais par l’émancipation de tous, pour être libres eux-mêmes avec tous et non pour devenir des tyrans à leur tour ; que des travailleurs de bonne foi puissent s’éprendre d’un tel programme, voilà ce qu’il |28 est beaucoup plus difficile de comprendre.

Aussi ai-je la ferme confiance que sous peu d’années les ouvriers de l’Allemagne eux-mêmes, reconnaissant les conséquences fatales d’une théorie qui ne peut favoriser que l’ambition de leurs chefs