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pendance, sa |9 noble fierté, elle avait été également l’ennemie de la patrie comme État. Assujettie à l’État par la main si pesamment royale de Louis XIV, elle en devint la servante aussi obséquieuse et intéressée que zélée, sans cesser d’être l’ennemie naturelle et l’exploiteuse impitoyable du peuple. Elle l’opprima doublement, et comme propriétaire exclusive de la terre et comme fonctionnaire privilégiée de l’État. Il faut lire les Mémoires du duc de Saint-Simon et les lettres de Mme de Sévigné pour se faire une idée du degré d’abaissement auquel l’insolence et la fatuité despotique du plus arbitraire des souverains avaient réduit ces nobles seigneurs féodaux, jadis les égaux de leurs rois, et qui étaient devenus ses plats courtisans, ses laquais ; et, pour comprendre cette transformation en apparence si subite, mais en réalité longuement préparée par l’histoire, il faut se rappeler que la perte de leur indépendance se trouva compensée largement par de grands avantages matériels. Au droit de tondre leurs serfs sans merci, ils ajoutèrent deux titres extrêmement lucratifs : celui de mendiants privilégiés de la cour et celui de voleurs consacrés de l’État, et du peuple aussi par la puissance de l’État. Tel fut le secret et le vrai fondement de leur patriotisme nouveau.

La Révolution les ayant privés tout d’un coup de ces précieux privilèges, les nobles de France cessèrent de comprendre le patriotisme français. En 1792, un corps armé, presque exclusivement formé de nobles émigrés de la France, envahit le territoire