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« Cet antagonisme de la révolution bourgeoise et de la révolution populaire n’existait pas encore, en 1793, ni dans la conscience du peuple, ni même dans celle de la bourgeoisie. On n’avait pas encore démêlé de l’expérience historique cette vérité, que la liberté de toute classe privilégiée, et |114 par conséquent celle de la bourgeoisie aussi, était fondée essentiellement sur l’esclavage économique du prolétariat. Comme fait et comme conséquence réelle, cette vérité a toujours existé ; mais elle avait été tellement embrouillée avec d’autres faits et masquée par tant d’intérêts et de tendances historiques différentes, surtout religieuses et nationales, qu’elle ne s’était point encore dégagée dans sa grande simplicité actuelle, ni pour la bourgeoisie, commanditaire du travail, ni pour le prolétariat, salarié, c’est-à-dire exploité par elle. La bourgeoisie et le prolétariat étaient bien, même avant la révolution de 1789, des ennemis naturels, mais sans le savoir. Par suite de cette ignorance, ils attribuaient, l’une ses craintes, l’autre ses maux, à des raisons fictives, non à leur antagonisme réel, et, se croyant unis d’intérêts, ils marchèrent ensemble contre la monarchie, la noblesse et les prêtres.

« Voilà ce qui fit la grande force des bourgeois révolutionnaires de 1792 et 1793. Non seulement ils ne craignaient pas le déchaînement des passions populaires, mais ils le provoquèrent de toutes leurs forces, comme l’unique moyen de salut pour la patrie et pour eux-mêmes contre la réaction inté-