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Comment ne s’est-il pas dit, lui, l’homme sérieux et positif, que les plus belles et les plus grandes idées, que même les idées religieuses, celles qui par leur nature semblent le plus éloignées des préoccupations de ce monde, n’ont été puissantes, dans le passé, qu’autant qu’elles ont représenté de grands intérêts matériels ? Toute l’histoire le prouve, et la révolution de 1789 à 1794, cette révolution si grandiosement idéale, n’a-t-elle pas roulé tout entière sur deux intérêts très réels : le premier, celui de l’émancipation de l’industrie et du commerce bourgeois des entraves que leur opposait l’organisation du monde féodal ; et le second, celui de l’appropriation de la terre par les paysans de France ?

M. Gambetta s’imagine-t-il qu’il en sera autrement aujourd’hui ? Croit-il que sa république puisse s’établir et se maintenir, si elle ne représente aucun intérêt ? Je ne pense pas qu’il soit assez innocent pour l’espérer, ni même assez détaché des biens de ce monde pour le désirer. Mais alors quels sont les intérêts qu’il accepte comme base de sa république ? Il existe aujourd’hui, je le répète encore, deux catégories, deux mondes d’intérêts absolument opposés : les intérêts bourgeois, qui se fondent essentiellement sur la misère et sur l’esclavage du prolétariat ; et les intérêts du prolétariat, les intérêts matériels de tout le monde, qui exigent, comme première condition, la ruine des intérêts exclusifs de la bourgeoisie, et même l’abolition de cette dernière comme classe économiquement séparée,