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lité économique et sociale ; puisque, comme je viens de le démontrer, le suffrage universel exercé par le peuple, en dehors des conditions de cette égalité et de cette justice, au milieu de l’inégalité et de l’injustice qui règnent dans la société actuelle, au milieu de la dépendance et de l’ignorance populaires qui en sont les résultats naturels et fatals, produira nécessairement et toujours un vote contraire aux intérêts du peuple et favorable seulement aux intérêts et à la domination des bourgeois.

Partant de là, nous affirmons que les soi-disant |96 démocrates socialistes qui, dans les pays où le suffrage universel n’existe pas encore, s’efforcent de persuader le peuple qu’il doit le conquérir avant tout, ainsi que le font aujourd’hui les chefs du parti de la démocratie socialiste en Allemagne[1] en lui disant que la liberté politique est la condition préalable de son émancipation économique, sont ou bien eux-mêmes les victimes d’une erreur funeste, ou bien des trompeurs du peuple. Ignorent-ils réellement, ou font-ils semblant d’ignorer, que cette liberté politique préalable, — c’est-à-dire existant nécessairement en dehors de l’égalité économique et sociale, puisqu’elle devra précéder cette

  1. Le suffrage universel existait depuis 1866 dans la Confédération du Nord, pour les élections au Parlement fédéral ; mais il ne fut établi dans toute l’Allemagne qu’après la création de l’Empire allemand, par la publication de la loi sur les élections au Reichstag (30 janvier 1871) ; et il n’existe que pour l’élection des membres de cette assemblée, et non pour la nomination des assemblées législatives des États particuliers, sauf quelques exceptions. — J. G.