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États-Unis et en Suisse : c’est, en nommant les choses par leur nom, la liberté politique, réelle pour les classes possédantes, fictive pour les masses populaires, et fondée sur l’asservissement économique de ces dernières. C’est un système excellent et tout au profit de la classe bourgeoise, comme on voit, mais qui ne peut se maintenir que dans les pays où la masse des travailleurs est assez sage et assez résignée, ou assez généreuse, pour se sentir fière de porter la liberté d’autrui sur ses épaules d’esclave.

Aussitôt que des aspirations et des idées contraires commencent à pénétrer dans les masses ; du moment que ces millions de travailleurs de l’industrie et de la terre, fatigués de leur rôle passif, et ne voulant plus servir de piédestal à la liberté, à la civilisation et à l’humanité des minorités privilégiées, commencent à réclamer tous les droits humains pour eux-mêmes, et qu’ils se montrent disposés à les conquérir, au besoin, par la force, — tout ce système du libéralisme bourgeois croule comme un château de cartes. Son humanité se transforme en fureur ; nous l’avons vu en Juin 1848, et nous le pressentons partout aujourd’hui ; et son respect des droits du prochain, son culte de la liberté, font place à la répression féroce. Le libéralisme politique des bourgeois disparaît, et, ne trouvant en lui-même ni les moyens ni la force nécessaires pour réprimer les masses, s’immolant au profit de la conservation des intérêts économiques des bourgeois, il fait place à la dictature militaire.