Page:Bakounine - Œuvres t4.djvu/155

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


Le gouvernement impérial, à son point de vue, avait raison. Il se rendait justice, et se disait fort bien, dans ses conciliabules secrets, qu’il n’était autre chose qu’une bande de voleurs et de brigands qui, une nuit de Décembre, s’était emparée de la France ; et, quelque médiocre idée qu’il eût du peuple français, il savait bien qu’un jour devait venir où ce peuple, honteux et fatigué de son joug, ferait un effort suprême pour s’en délivrer. Pour empêcher cette délivrance, qui nécessairement devait mettre fin aux orgies des brigands, ne fallait-il pas se précautionner contre le réveil du peuple français ? Et quel autre |47 moyen, pour atteindre ce but, que de former à sa propre image une immense bureaucratie militaire, civile, judiciaire, législative, cléricale, policière et financière, qui, pénétrée des mêmes idées et des mêmes sentiments que les brigands fondateurs de l’empire, couvrirait la France tout entière d’un immense réseau de surveillance, de corruption, de délation et de compression ? Il ne s’agissait proprement pas du service de l’État, mais du service de la dynastie et de la bande inféodée à cette dynastie, dans l’État. Il fallait assurer à cette bande, que chaque année rendait plus nombreuse, le pillage réglé de l’État.

C’est ainsi que l’armée impériale n’avait point du tout la mission de maintenir la puissance de l’État contre les puissances étrangères, chose dont elle s’est tirée fort mal, comme on vient de le voir, aussitôt qu’elle a rencontré un adversaire sérieux, mais