Page:Bakounine - Œuvres t4.djvu/154

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’État. Ils s’étaient emparés du pouvoir, non pour travailler, mais pour jouir ; leur ambition elle-même n’était rien que vanité personnelle ; car aux satisfactions de la passion politique qui pousse les ambitieux à servir la grandeur de l’État, ils ont préféré les jouissances crapuleuses. Empereur, impératrice, prince impérial, cour impériale, maréchaux, généraux, évêques, grands corps de l’État, pendant les vingt ans de leur règne, n’ont pas fait autre chose que de se vautrer dans l’orgie. |46 Ils ont mis l’État lui-même au pillage. Ils l’ont violé, démoralisé, désorganisé, et l’ont amené à ce degré d’impuissance qui en fait aujourd’hui le jouet de la Prusse.

Au-dessous de ces intelligences remarquables, mais avilies, profondément corrompues et corruptrices, il ne pouvait y avoir de place que pour l’incapacité la plus absolue unie à la plus grande bassesse. À moins qu’elle ne soit excessivement corrompue, l’intelligence est toujours accompagnée d’une certaine dose de fierté ; à défaut de justice et d’honneur, elle tient au moins à une certaine apparence de dignité, au point d’honneur. Mais il ne pouvait y avoir place pour tout cela dans l’administration de l’empire. On ne pouvait y parvenir qu’à force de complaisance servile envers les chefs, de brutalité envers le public, de malhonnêteté et de cynisme. Il fallait avoir brûlé ses vaisseaux, être affiché, perdu dans l’opinion publique, pour attirer l’attention et mériter la confiance du gouvernement impérial.