Page:Bakounine - Œuvres t4.djvu/130

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

obligé de l’hypocrisie juridique, est une chose odieuse et horrible. Lorsqu’on fait la révolution pour l’émancipation de l’humanité, il faut respecter la vie et la liberté des hommes ; mais je ne vois pas pourquoi on respecterait les bourses, lorsque ces bourses se sont remplies par le pillage, par le vol, par le crime, par tous les sales moyens du régime bonapartiste ? C’est beaucoup plus humain que de couper les têtes, et c’est en même temps mille fois plus utile. En coupant les têtes les plus criminelles, on les rend en quelque sorte intéressantes, et on produit une réaction en leur faveur. Mais en coupant les bourses criminelles, on arrête la réaction dans sa source, on en détruit les moyens. Ce n’est plus de la politique idéaliste, comme celle du jacobinisme ; c’est une politique positive et réaliste s’il en fut, et c’est sans doute de cette politique que M. Gambetta a voulu parler lorsque, dans cette même lettre, il a recommandé le système de « la démocratie rationnelle et positiviste »[1].

Malheureusement, comme cela arrive d’ailleurs trop souvent aux hommes politiques, M. Gambetta a oublié de le pratiquer, dès qu’il est entré au pouvoir, et cela dans un moment de suprême danger pour la France, où l’application de ce système était devenue un devoir, puisque pour la sauver il fallait avant tout beaucoup d’argent, et que cet argent se trouvait dans les poches des pillards du 2 Décembre.

  1. Voir t. II, p. 236. On entend bien que Bakounine raille. — J. G.