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la réalité du phénomène et son ordre de coexistence ou de succession avec d’autres phénomènes plus ou moins liés avec lui ; s’assurer par l’observation et par l’expérience que cette coexistence et cette succession se reproduisent dans les mêmes circonstances partout et toujours, et, une fois cette conviction |223 acquise, les convenir en une loi générale. Je conçois que des spécialistes scientifiques puissent, doivent faire ainsi ; car s’ils agissaient autrement, s’ils intercalaient leurs propres idées dans l’ordre des faits, la philosophie positive courrait fort le risque de n’avoir pour base de ses raisonnements que des fantaisies plus ou moins ingénieuses, non des faits. Mais je ne conçois pas qu’un philosophe qui veut comprendre l’ordre des faits puisse se contenter de si peu. Comprendre est très difficile, je le sais, mais cela est indispensable si l’on veut faire de la philosophie sérieuse.

À un homme qui me demanderait : Quelles sont l’origine et la substance de la matière en général ou plutôt de l’ensemble des choses matérielles, de l’Univers, je ne me contenterais pas de répondre doctoralement, et d’une manière tellement équivoque qu’il pourrait me suspecter de théologisme : L’origine et l’essence de la matière nous sont inaccessibles. Je lui demanderais d’abord de quelle matière il veut parler ? Est-ce seulement de l’ensemble des corps matériels, composés ou simples, qui constituent notre globe, et, dans sa plus grande extension, notre système solaire, ou bien de tous les corps connus et