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impérieuse, passionnée, avide de tout savoir et de tout embrasser. Il suffit de lui dire : « Tu n’iras pas au-delà », pour que, |191 de toute la puissance de cette curiosité irritée par l’obstacle, il tende à s’élancer au-delà. Sous ce rapport, le Bon Dieu de la Bible s’est montré beaucoup plus clairvoyant que M. Auguste Comte et les positivistes ses disciples ; ayant voulu sans doute que l’homme mangeât du fruit défendu, il lui défendit d’en manger. Cette immodération, cette désobéissance, cette révolte de l’esprit humain contre toute limite imposée soit au nom du Bon Dieu, soit au nom de la science, constituent son honneur, le secret de sa puissance et de sa liberté. C’est en cherchant l’impossible que l’homme a toujours réalisé et reconnu le possible, et ceux qui se sont sagement limités à ce qui leur paraissait le possible n’ont jamais avancé d’un seul pas. D’ailleurs, en présence de l’immense carrière parcourue par l’esprit humain pendant les trois mille ans à peu près connus par l’histoire, qui osera dire ce qui dans trois, cinq, dix mille autres années sera possible et impossible ?

Cette tendance vers l’éternellement inconnu est tellement irrésistible dans l’homme, elle est si foncièrement inhérente à notre esprit, que, si vous lui fermez la voie scientifique, il s’ouvrira, pour la satisfaire, une nouvelle voie, la voie mystique. Et faut-il en donner d’autre preuve que l’exemple de l’illustre fondateur de la Philosophie positive, Auguste Comte lui-même, qui a fini sa grande carrière philoso-