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position sociale et le degré de son développement intellectuel et moral, et lors même qu’il divague et qu’il déraisonne, sa pensée se développe toujours selon les mêmes lois ; et c’est là précisément ce qui, dans l’immense diversité des âges, des climats, des races, des nations, des positions sociales et des natures individuelles, constitue la grande unité du genre humain. Par conséquent la science, qui n’est autre chose que la connaissance et la compréhension du monde par l’esprit humain, doit être une aussi.

Elle est incontestablement une. Mais, immense comme le monde, elle dépasse les facultés intellectuelles d’un seul homme, fût-il le plus intelligent de tous. Aucun n’est capable de l’embrasser à la fois dans son universalité et dans ses détails également, quoique différemment, infinis. Celui qui voudrait s’en tenir à la seule généralité, en négligeant les détails, retomberait par là même dans la métaphysique et dans la théologie, car la généralité scientifique se distingue précisément des généralités métaphysiques et théologiques par ceci, qu’elle s’établit, non, comme ces deux dernières, par l’abstraction qu’on fait de tous les détails, mais au contraire et uniquement par la coordination des détails. La grande Unité scientifique est concrète : c’est l’unité dans l’infinie diversité ; l’Unité théologique et métaphysique est abstraite : c’est l’unité dans le vide. Pour embrasser l’Unité scientifique dans toute sa réalité infinie, il faudrait pouvoir connaître en détail tous les êtres dont les rapports naturels directs et