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aucun moyen de s’abriter contre la curiosité indiscrète de ses croyants, reste du matin jusqu’au soir soumis à leurs investigations, devient impossible. Le bon sens, l’esprit pratique d’une peuplade sauvage, qui se développent lentement, il est vrai, mais toujours davantage, par l’expérience de la vie, et malgré toutes les divagations religieuses, finissent par lui démontrer l’impossibilité pratique qu’un homme, accessible à toutes les faiblesses et infirmités humaines, soit un Dieu. Le sorcier reste donc pour ses croyants sauvages un être surnaturel, mais seulement par instants, lorsqu’il est possédé[1]. Mais possédé par qui ? Par la Toute-puissance, par Dieu. Donc la Divinité se trouve ordinairement en dehors du sorcier. Où la chercher ? Le fétiche, le Dieu-chose, est dépassé ; le sorcier, l’homme-Dieu, l’est aussi. Toutes ces transformations, dans les temps primitifs, ont sans doute rempli des siècles. L’homme sauvage, déjà avancé, quelque peu développé et |181 riche de la tradition de plusieurs siècles, cherche alors la Divinité bien loin de lui, mais toujours encore dans les êtres réellement existants : dans la forêt, sur une montagne, dans une rivière, et plus tard encore dans le soleil, dans la lune, dans le ciel. La pensée religieuse commence déjà à embrasser l’Univers.

  1. De même que le prêtre catholique, qui n’est vraiment sacré que lorsqu’il remplit ses cabalistiques mystères ; de même que le pape, qui n’est infaillible que lorsque, inspiré par le Saint-Esprit, il définit les dogmes de la foi. (Note de Bakounine.)