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il la généralise, en lui donnant un nom quelconque ; il en fait le centre autour duquel se groupent toutes ses imaginations enfantines. Encore incapable d’embrasser par sa propre pensée l’Univers, même le globe terrestre, même le milieu si restreint au sein duquel il est né et il vit, il cherche partout, se demandant où réside donc cette toute-puissance dont le sentiment, désormais réfléchi et fixé, l’obsède ? et par un jeu, par une aberration de sa fantaisie ignorante qu’il nous serait difficile d’expliquer aujourd’hui, il l’attache à ce morceau de bois, à ce torchon, à cette pierre. C’est le pur fétichisme, la plus religieuse, c’est-à-dire la plus absurde, des religions.

Après, et souvent avec, le fétichisme vient le culte des sorciers. C’est un culte, sinon beaucoup plus rationnel, au moins plus naturel, et qui nous surprendra moins que le fétichisme. Nous y sommes plus habitués, étant encore aujourd’hui, au sein même de cette civilisation dont nous sommes si fiers, entourés de sorciers : les spirites, les médiums, les clairvoyants avec leur magnétisme, les prêtres de l’Église catholique, grecque et romaine, qui prétendent avoir la puissance de forcer le Bon Dieu, à l’aide de quelques formules mystérieuses, de descendre sur l’eau, voire même de se transformer en pain et en vin, tous ces forceurs de la Divinité soumise à leurs enchantements, ne sont-ils pas autant de sorciers ? Il est vrai que la Divinité adorée et invoquée par nos sorciers modernes, enrichie par plusieurs milliers d’années d’extravagance humaine, est beau-