Page:Bakounine - Œuvres t3.djvu/331

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dire la faculté de combiner les idées, reste toujours et partout la même, aussi bien que les lois qui en déterminent les manifestations différentes, de sorte qu’aucun développement humain ne saurait se faire contrairement à ces lois. Cela nous donne le droit de penser que les phases principales, observées dans le premier développement religieux d’un seul peuple, ont dû se reproduire dans celui de toutes les autres populations primitives de la terre.

À en juger d’après les rapports unanimes des voyageurs qui, depuis le siècle passé, ont visité les îles de l’Océanie, aussi bien que de ceux qui, de nos jours, ont pénétré dans l’intérieur de l’Afrique, le fétichisme doit être la première religion, celle de tous les peuples sauvages qui se sont le moins éloignés de l’état de nature. Mais le fétichisme n’est autre chose que la religion de la peur. Il est la première expression humaine de cette sensation de dépendance absolue, mêlée de terreur instinctive, que nous trouvons au fond de toute vie animale et qui, comme je l’ai déjà fait observer, constitue le rapport religieux des individus appartenant aux espèces même les plus inférieures avec la toute-puissance de la nature. Qui ne connaît l’influence qu’exercent et l’impression que produisent sur tous les êtres vivants les grands phénomènes de la nature, tels que le lever et le coucher du soleil, le clair de lune, le retour des saisons, la succession du froid et du chaud, ou bien des catastrophes naturelles, aussi bien que les rapports si variés et mutuellement destructifs des espèces ani-