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rieur ; 2° de ne pouvoir s’y maintenir qu’en existant, qu’en vivant à son détriment, qu’en luttant constamment contre lui. C’est donc ce monde |161 ou cette nature extérieure, que l’homme, armé des facultés et des propriétés dont la nature universelle l’a doué, peut et doit vaincre, peut et doit maîtriser ; né dans la dépendance d’abord quasi-absolue de cette nature extérieure, il doit l’asservir à son tour et conquérir sur elle sa propre liberté et son humanité.

Antérieurement à toute civilisation et à toute histoire, à une époque excessivement reculée et pendant une période de temps qui a pu durer on ne sait combien de milliers d’années, l’homme ne fut rien d’abord qu’une bête sauvage parmi tant d’autres bêtes sauvages, — un gorille peut-être, ou un parent très proche du gorille. Animal carnivore ou plutôt omnivore, il était sans doute plus vorace, plus féroce, plus cruel que ses cousins des autres espèces. Il faisait une guerre de destruction comme eux, et il travaillait comme eux. Tel fut son état d’innocence, préconisé par toutes les religions possibles, l’état idéal tant vanté par Jean-Jacques Rousseau. Qu’est-ce qui l’a arraché à ce paradis animal ? Son intelligence progressive s’appliquant naturellement, nécessairement et successivement à son travail animal. Mais en quoi consiste le progrès de l’intelligence humaine ? Au point de vue formel, il consiste surtout dans la plus grande habitude de penser qui s’acquiert par l’exercice de la pensée, et dans la conscience plus précise et plus nette de sa propre