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seulement ce peu de raison et de justice qui règne aujourd’hui dans le monde.

Poussé toujours par cette même fatalité qui constitue la loi fondamentale de la vie, l’homme crée son monde humain, son monde historique, en conquérant pas à pas, sur le monde extérieur et sur sa propre bestialité, sa liberté et son humaine dignité. Il les conquiert par la science et par le travail.

Tous les animaux sont forcés de travailler pour vivre ; tous, sans y prendre garde et sans en avoir la moindre conscience, participent, dans la mesure de leurs besoins, de leur intelligence et de leur force, à l’œuvre si lente de la transformation de la surface de notre globe en un lieu favorable à la vie animale. Mais ce travail ne devient un travail proprement humain que lorsqu’il commence à servir à la satisfaction, non plus seulement des besoins fixes et fatalement circonscrits de la vie animale, mais encore de ceux de l’être social, pensant et parlant, qui tend à conquérir et à réaliser pleinement sa liberté.

L’accomplissement de cette tâche immense, et que la nature particulière de l’homme lui impose comme une nécessité inhérente à son être, — l’homme est forcé de conquérir sa liberté, — l’accomplissement de cette tâche n’est pas seulement une œuvre intellectuelle et morale ; c’est avant tout, dans l’ordre du temps aussi bien qu’au point de vue de notre développement rationnel, une œuvre d’émancipation matérielle. L’homme ne devient réellement homme,