Page:Bakounine - Œuvres t3.djvu/301

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

base même de toutes les passions animales et humaines : instinctive, on pourrait presque dire mécanique dans les organisations les plus inférieures ; plus intelligente dans les espèces supérieures, elle n’arrive à une pleine conception d’elle-même que dans l’homme ; parce que, doué à un degré supérieur de la faculté si précieuse de combiner, de grouper et d’exprimer intégralement ses pensées, seul capable de faire |152 abstraction, dans sa pensée, et du monde extérieur et même de son propre monde intérieur, l’homme seul est capable de s’élever jusqu’à l’universalité des choses et des êtres ; et, du haut de cette abstraction, se considérant lui-même comme un objet de sa propre pensée, il peut comparer, critiquer, ordonner et subordonner ses propres besoins, sans pouvoir naturellement sortir jamais des conditions vitales de sa propre existence ; ce qui lui permet, dans ces limites sans doute très restreintes, et sans qu’il puisse rien changer au courant universel et fatal des effets et des causes, de déterminer d’une manière abstractivement réfléchie ses propres actes, et lui donne, vis-à-vis de la nature, une fausse apparence de spontanéité et d’indépendance absolues. Éclairé par la science et dirigé par la volonté abstractivement réfléchie de l’homme, le travail animal, ou bien cette activité fatalement imposée à tous les êtres vivants, comme une condition essentielle de leur vie, — activité qui tend à modifier le monde extérieur selon les besoins de chacun et qui se manifeste dans l’homme avec la même fatalité que dans le dernier animal de cette terre, — se transforme néanmoins pour la conscience de l’homme en un travail savant et libre.

----------