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s’élevant au-dessus de la pression immédiate que les objets extérieurs exercent sur l’individu, peut les comparer les uns avec les autres et observer leurs rapports mutuels : voilà le commencement de l’analyse et de la science expérimentale. Grâce à cette même faculté, l’homme se dédouble pour ainsi dire, et, se séparant de lui-même en lui-même, il s’élève en quelque sorte au-dessus de ses propres mouvements intérieurs, au-dessus des sensations qu’il éprouve, des instincts, des appétits, des désirs qui s’éveillent en lui, aussi bien que des tendances affectives qu’il ressent ; ce qui lui donne la possibilité de les comparer entre eux, de même qu’il compare les objets et les mouvements extérieurs, et de prendre parti pour les uns contre les autres, selon l’idéal de justice et de bien, ou selon la passion dominante, que l’influence de la société et des circonstances particulières ont développés et fortifiés en lui. Cette puissance de prendre parti en faveur d’un ou de plusieurs moteurs, qui agissent en lui dans un sens déterminé, contre d’autres moteurs également intérieurs et déterminés, s’appelle la volonté.

Ainsi expliqués et compris, l’esprit de l’homme et sa volonté ne se présentent plus comme des puissances absolument autonomes, indépendantes du monde matériel et capables, en créant, l’un des pensées, l’autre des actes spontanés, de rompre l’enchaînement fatal des effets et des causes qui constitue la solidarité universelle des mondes. L’un et l’autre apparaissent au contraire comme des forces dont l’indépendance