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Considéré à ce point de vue, le monde naturel nous présente le tableau meurtrier et sanglant d’une lutte acharnée et perpétuelle, de la lutte pour la vie. L’homme n’est pas seul à combattre : tous les animaux, |119 tous les êtres vivants, que dis-je ? toutes les choses qui existent, ponant en elles-mêmes, comme lui, quoique d’une manière beaucoup moins apparente, le germe de leur propre destruction, et, pour ainsi dire, leur propre ennemi, — cette même fatalité naturelle qui les produit, les conserve et les détruit à la fois, — luttent comme lui, chaque catégorie de choses, chaque espèce végétale et animale, ne vivant qu’au détriment de toutes les autres ; l’une dévore l’autre, de sorte que, ainsi que je l’ai dit autre part[1], « le monde naturel peut être considéré comme une sanglante hécatombe, comme une tragédie lugubre créée par la faim. Il est le théâtre constant d’une lutte sans merci et sans trêve. Nous n’avons pas à nous demander pourquoi cela est ainsi, et nous n’en sommes nullement responsables. Nous trouvons cet ordre de choses établi lorsque nous arrivons à la vie. C’est notre point de départ naturel, et nous n’avons à faire autre chose qu’à constater le fait et qu’à nous convaincre que depuis que le monde existe il en a toujours été ainsi, et que,

  1. Dans le Progrès, du Locle, numéro du 21 août 1869, article intitulé le Patriotisme. Le passage reproduit ici par Bakounine, avec quelques légers changements dans la forme, se trouve aux pages 253 et 254 du tome Ier des Œuvres (Stock, 1895). — J. G.