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tout crédit, il se servit des prêtres laïques, des menteurs et sophistes à robe courte, parmi lesquels le rôle principal fut dévolu à deux hommes fatals : l’un l’esprit le plus faux, l’autre la volonté la plus doctrinairement despotique du siècle passé [le dix-huitième], à J.‑J. Rousseau et à Robespierre.

Le premier représente le vrai type de l’étroitesse et de la mesquinerie ombrageuse, de l’exaltation sans autre objet que sa propre personne, de l’enthousiasme à froid et de l’hypocrisie à la fois sentimentale et implacable, du mensonge forcé de l’idéalisme moderne. On peut le considérer comme le vrai créateur de la moderne réaction. En apparence l’écrivain le plus démocratique du dix-huitième siècle, il couve en lui le despotisme impitoyable de l’homme d’État. Il fut le prophète de l’État doctrinaire, comme Robespierre, son digne et fidèle disciple, essaya d’en devenir le grand-prêtre. Ayant entendu dire à Voltaire que s’il n’y avait pas de Dieu, il faudrait en inventer un, J. J. Rousseau inventa l’Être-suprême, le Dieu abstrait et stérile des déistes. Et |239 c’est au nom de l’Être-suprême, et de la vertu hypocrite commandée par l’Être-suprême, que Robespierre guillotina les hébertistes d’abord, ensuite le génie même de la Révolution, Danton, dans la personne duquel il assassina la République, préparant ainsi le triomphe, devenu dès lors nécessaire, de la dictature de Bonaparte Ier. Après ce grand triomphe, la réaction idéaliste chercha et trouva des serviteurs moins fanatiques, moins terribles, mesu-