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malgré cet esprit national exclusif qui les distingue encore aujourd’hui, étaient devenus de fait, bien avant la naissance du Christ, le peuple le plus international du monde. Entraînés en partie comme captifs, mais beaucoup plus encore poussés par cette passion mercantile qui constitue l’un des traits principaux de leur caractère national, ils s’étaient répandus dans tous les pays, portant partout le culte de leur Jéhovah, auquel ils devenaient d’autant plus fidèles qu’il les abandonnait davantage.

À Alexandrie, ce Dieu terrible des Juifs fit la connaissance personnelle de la Divinité métaphysique de Platon, déjà fort corrompue par le contact de l’Orient et se corrompant plus tard encore davantage par le sien. Malgré son exclusivisme national, jaloux et féroce, il ne put à la longue résister aux |232 grâces de cette Divinité idéale et impersonnelle des Grecs. Il l’épousa, et de ce mariage naquit le Dieu spiritualiste — mais non spirituel — des chrétiens. On sait que les néo-platoniciens d’Alexandrie furent les principaux créateurs de la théologie chrétienne.

Mais la théologie ne constitue pas encore la religion, comme les éléments historiques ne suffisent pas pour créer l’histoire. J’appelle éléments historiques les dispositions et conditions générales d’un développement réel quelconque : par exemple, ici, la conquête des Romains, et la rencontre du Dieu des Juifs avec la Divinité idéale des Grecs. Pour féconder les éléments historiques, pour leur faire produire une série de transformations historiques nou-