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adorés ; les considérant comme des êtres réels, infiniment supérieurs à eux-mêmes, ils leur ont attribué la toute-puissance, et se sont reconnus pour leurs créatures, leurs esclaves. À mesure que les idées humaines se développaient davantage, les dieux, qui, comme je l’ai fait déjà observer, n’en ont jamais été que la réverbération fantastique, idéale, poétique, ou l’image renversée, s’idéalisaient aussi. D’abord fétiches grossiers, ils devinrent peu à peu des esprits purs, existant en dehors du monde visible, et enfin, à la suite d’un long développement historique, ils finirent par se confondre en un seul Être divin, Esprit pur, éternel, absolu, créateur et maître des mondes.

Dans tout développement, juste ou faux, réel ou imaginaire, tant collectif qu’individuel, c’est toujours le premier pas qui coûte, le premier acte qui est le plus difficile. Une fois ce pas franchi et ce premier acte accompli, le reste se déroule naturellement comme une conséquence nécessaire. |229 Ce qui était difficile dans le développement historique de cette terrible folie religieuse qui continue de nous obséder et de nous écraser, c’était donc de poser un monde divin tel quel, en dehors du monde réel. Ce premier acte de folie, si naturel au point de vue physiologique et par conséquent nécessaire dans l’histoire de l’humanité, ne s’accomplit pas d’un seul coup. Il a fallu je ne sais combien de siècles pour développer et pour faire pénétrer cette croyance dans les habitudes mentales des hommes. Mais, une fois établie,