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dissolution est immensément éloigné de nous, nous pouvons bien considérer, relativement à la vie humaine si courte, l’humanité comme éternelle. Mais ce fait de l’humanité progressive, |209 lui-même, n’est réel et vivant qu’en tant qu’il se manifeste et se réalise dans des temps déterminés, dans des lieux déterminés, dans des hommes réellement vivants, et non dans son idée générale.

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L’idée générale est toujours une abstraction, et, par cela même, en quelque sorte, une négation de la vie réelle. J’ai constaté dans l’Appendice cette propriété de la pensée humaine, et par conséquent aussi de la science, de ne pouvoir saisir et nommer dans les faits réels que leur sens général, leurs rapports généraux, leurs lois générales ; en un mot, ce qui est permanent dans leurs transformations continues, mais jamais leur côté matériel, individuel, et pour ainsi dire palpitant de réalité et de vie, mais par là même fugitif et insaisissable. La science comprend la pensée de la réalité, non la réalité elle-même ; la pensée de la vie, non la vie. Voilà sa limite, la seule limite vraiment infranchissable pour elle, parce qu’elle est fondée sur la nature même de la pensée humaine, qui est l’unique organe de la science.

Sur cette nature se fondent les droits incontestables et la grande mission de la science, mais aussi son impuissance vitale et même son action malfai-