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comment exécuter cet acte de violence brutale au milieu d’un peuple libre et fier, dans un canton de la République suisse ? On lui répond qu’il n’y a pas |7 de liberté, ni de république, ni de fierté, ni d’indépendance suisse qui tienne contre la volonté de Sa Majesté, l’empereur de toutes les Russies.

Etait-ce de l’outrecuidance ? Hélas non ! ce n’était qu’une juste appréciation d’une triste vérité. L’empereur ordonne à son grand-chancelier des affaires étrangères, le prince Gortchakof, celui-ci ordonne au ministre représentant la Russie à Berne, ce dernier ordonne — mais non, il faut parler poliment — il recommande, il prie le Conseil fédéral de la République helvétique. Le Conseil fédéral envoie le prince Obolensky, avec ses recommandations bien pressantes, au gouvernement cantonal de Lausanne ; ce gouvernement le renvoie investi de ses ordres au préfet de Vevey ; et à Vevey toutes les autorités républicaines attendaient depuis longtemps le prince Obolensky, impatientes de le recevoir comme on doit recevoir un prince russe, lorsqu’il vient commander au nom de son tsar. Tout y avait été préparé en effet de longue main par les soins, sans doute désintéressés, de M. l’avocat Cérésole, aujourd’hui membre du Conseil fédéral.

Soyons justes, M. l’avocat Cérésole a déployé dans cette affaire un grand zèle, une grande énergie et une habileté prodigieuse. Grâce à lui, un acte inouï de violence bureaucratique a pu s’accomplir au milieu de la Suisse républicaine sans éclat et sans